Synthèse - L’Europe de l’armement, condition d’affirmation géopolitique et stratégique

Ce lundi 21 février, la chaire grands enjeux stratégiques contemporains a accueilli pour sa sixième conférence M. Joël Barre, délégué général à la Direction Générale de l’Armement (DGA). Se proposant de revenir sur les principaux défis auxquels sont confrontés les États-membres de l’Union européenne pour construire « l’Europe de la Défense » ; le délégué général commence son discours sur la nécessité de doter la France d’une politique nationale d’armement ambitieuse afin d’entrainer avec elle les autres États-membres de l’Union.

La hausse du budget de la DGA, à hauteur de 15 milliards d’euros, prévue par la loi de programmation militaire sur la période 2019/2025, répond à cette attente. En outre, la DGA poursuit activement le renouvellement et la modernisation des équipements et matériels militaires des différentes composantes des forces armées française. Rappelant, qu’il est indispensable que la France renforce son autonomie stratégique, la DGA contribue, depuis sa création en 1961 par le Général De Gaulle, à la robustesse technologique du modèle de dissuasion français. Comme le prouvent la qualification récente par des tirs d’essai du missiles balistiques M51, le développement de nouveaux sous-marins nucléaires SNLE de troisième génération, mais aussi la prise en compte de l’impératif « cyberdéfense » avec le centre DGA pour la Maîtrise de l’information.

Comme le souligne notre conférencier, l’autonomie stratégique de la défense française repose sur « l’autonomie d’appréciation d’une situation militaire et opérationnelle, de décision et d’action » ce qui doit être garanti par la fourniture sans entrave d’équipements militaires et la maîtrise de la politique d’armement. Ces objectifs ne peuvent pas être découplés d’une base industrielle et technologique de défense (BITD) compétitive et innovante. Le rôle de la DGA est ainsi de soutenir les 4 000 entreprises françaises qui consituent cette BITD par des commandes. La DGA a passé aux entrepries française d’armement de l’ordre de 8,1 milliards d’euros de commande pour 2022 et 8,1 milliards de crédits de paiement. En parallèle, les exportations d’armes sont indispensables à notre BITD. Elles permettent de maintenir les capacités d’études et de production de nos armements, mais aussi de développer de
nouvelles applications assurant le maintien à niveau des standards par exemple en dotant l’armée de l’Air d’un système électronique du Rafale qui était à l’origine destiné à l’exportation. Enfin, la DGA se doit de soutenir l’innovation dans nos industries françaises, elle investit actuellement de l’ordre de 1 milliard d’euro par an dans l’innovation de défense et sept milliards d’euros dans la recherche et développement. A l’échelle européenne, M. Barre réaffirme l’importance d’une coopération en matière de politique d’armement afin de soutenir « l’Europe de la Défense ». Une initiative dont la France et sespartenaires pourraient récolter différents bénéfices. D’une part, une plus grande interopérabilité entre les systèmes d’armement est évidemment bénéfique pour tous. Et d’autre part, grâce au partage des coûts de développement, les systèmes d’armements deviendront plus nombreux sur le marché et leurs prix diminueront. Et c’est dans cette logique, que depuis plusieurs années, les programmes européens de coopération dans le domaine de l’armement ont augmenté d’un tiers. Pour M. Barre, la France qui dispose déjà de plusieurs partenaires stratégiques historiques avec le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie, pourrait bénéficier tout autant d’une coopération dite « communautaire » dans le cadre de la Coopération Structuré Permanente (CSP). En effet, sur les huit milliards d’euros investis dans le Fond Européen de Défense (FED), la France disposa de 500 millions d’euros de 2019 à 2020, et finit par être présente sur 27 des 33 projets retenues à la fin de la phase préparatoire.

Cependant, M. Barre rappelle certaines prérogatives lors de la construction de « l’Europe de la Défense ». Que ce soit dans le domaine de la sécurité de l’information ou sur le contrôle des exportations, la France doit pouvoir garder une certaine autonomie impérative au bon fonctionnement de sa BITD. En outre, dans le cadre d’un programme de coopération : la nécessité d’harmoniser les besoins, les exigences et les calendriers des États-membres de l’Union sont tout aussi important que de repenser le processus de coopération. En effet, M. Barre préconise qu’un petit nombre d’États-membres
soit à l’initiative avant d’être rejoint par des partenaires additionnels.