Les technologies aérospatiales comme marqueurs de puissance des Etats - Synthèse

Le 07 février 2022, la chaire a accueilli pour sa quatrième conférence du cycle 2022 M. Bruno Sainjon, président de l’ONERA, pour une intervention consacrée aux « technologies spatiales comme marqueurs de la puissance des États ». S’intéressant conjointement aux nouveaux enjeux technologiques et géopolitiques, ainsi que de la place de la France vis-à-vis de ces derniers, M. Sainjon déclare que les rivalités interétatiques à venir se focaliseront autour de trois facteurs : hypersonique, quantique, et aérospatiale.

Victime de son succès médiatique, le terme « hypersonique » a perdu une partie de sa composante technique. En effet, il serait plus opportun de qualifier de missiles « hypervéloces » les derniers progrès technologiques russes et chinois. En effet, le terme d’ « hypervéloce » souligne à la fois l’extrême vitesse et la grande manœuvrabilité de ces missiles de croisière. En outre, il faudrait rajouter deux autres engins hypersoniques qui galvanisent la compétition entre grandes puissances depuis plusieurs décennies : le planeur hypersonique et l’ogive nucléaire manœuvrable. Dans ce domaine, la France n’est pas en reste. En 1933, le premier statoréacteur au monde est construit en France, et bienplus tard, l’entreprise MBDA continue à parfaire ce savoir-faire français en développant un statoréacteur de nouvelle génération (ASN4G) pour l’horizon 2035. Démontrant qu’il est aujourd’hui quasiment impossible d’intercepter des missiles hypervéloces, M. Sainjon rappelle que dans le domaine de l’armement « la vitesse est une donnée absolue alors que la furtivité est une donnée relative. En outre, fort de son expérience au Ministère de l’intérieur, notre conférencier a rappelé que la France se dote d’engins hypersoniques uniquement dans le cadre de sa politique de dissuasion contrairement à d’autres pays comme la Chine, l’Inde et la Russie.

Quant à la révolution quantique, M. Sainjon voit trois domaines dans lesquels il est nécessaire de rester compétitif. Le premier est le calculateur quantique car il permettrait de multiplier par mille les capacités de résolutions de problèmes de nos ordinateurs. Le second, le capteur quantique devrait permettre de mesurer ce qui n’est pas encore mesurable comme le temps ou la gravité. En outre, la compatibilité de ces capteurs quantiques avec des vaisseaux de la marine ou des sous-marins est un véritable enjeu des années à venir. Et dernièrement, la communication quantique permettrait d’améliorer notre résilience face aux menaces cyber, ainsi que de traquer les organisateurs des attaques.

Enfin, M. Sainjon a fortement souligné l’importance stratégique d’ores et déjà acquise par le spatial. En outre, le développement de l’IA afin de garantir une plus grande autonomie aux drones ou encore l’arsenalisation de l’espace par des constellations orbitales en sont des exemples. Concernant le domaine spatial stricto sensu, ce n’est plus un lieu de dissuasion comme durant la guerre froide. Désormais, la capacité de la France à rendre inopérationnelle un satellite par aveuglement n’est plus suffisant afin d’évoluer dans ce milieu. Il est nécessaire que la France conserve sa « souveraineté spatiale ». C’est-à-dire, sa capacité d’envoyer dans l’espace ce qu’elle souhaite, quand elle le souhaite et où elle le souhaite. Néanmoins, bien qu’une soixantaine de pays possèdent au moins un satellite enorbite, la France peut se démarquer de ses concurrents car elle fait partie du cercle fermé des pays capable d’envoyer un satellite de manière autonome dans l’espace au sein de l’Union européenne. Mais elle doit aussi être capable de connaitre à tout instant ce qu’il se passe dans l’espace. Pour cela, le lancement du système GRAVES en 2005 fut une révolution. En effet, lorsque les États-Unis ont compris qu’ils n’étaient plus les seuls à pouvoir localiser précisément des satellites, ils ont immédiatement arrêté de publier la géolocalisation des satellites français et la France a pu enfin s’asseoir à la table des négociations avec le principal acteur spatial.

Afin de préserver son statut de puissance innovante dans le domaine spatial, la France se doit de financer des projets audacieux afin de ne pas être rattrapé par d’autres acteurs dans ces domaines. Aujourd’hui, l’industrie aérospatiale française est reconnue dans le monde entier pour son expertise et ses avancées technologiques comme l’optique adaptative et pour M. Sainjon, c’est seulement en finançant la recherche et la « cyberrecherche » que de nouvelles technologies pourront être développées.