« Pour qui se bat-on ? » Lutter contre la radicalisation au Pakistan

Université Paris I Panthéon Sorbonne – Chaire Grands Enjeux Stratégiques Contemporains 2016

intervention de Salman Zaidi,
expert et spécialiste du Pakistan

 

Depuis l’instant tragique où les Soviétiques entrèrent dans Kaboul, l’Asie du Sud n’a cessé de connaître des soulèvements violents. L’année 1979 a inauguré une période d’instabilité et d’intolérance qui n’est toujours pas refermée. Elle fut aussi l’année de l’éclatement des communautés vivant de part et d’autre de la frontière afghano-pakistanaise sous l’effet des divisions culturelles, ethniques, religieuses et nationales.

Trois décennies plus tard, les lignes de fracture de la communauté pakistanaise sautent plus que jamais aux yeux, alors que le Pakistan s’efforce de refonder son identité nationale pour redonner sens à sa Constitution. Trouver une nouvelle raison d’être ensemble est devenu un impératif pour ce pays marqué par un conflit international de longue durée qui a brisé son contrat social, miné la démocratie, bouleversé l’équilibre des pouvoirs et contribué à l’essor des nationalismes et de l’extrémisme religieux.

Cet article revient sur la stratégie de la corde raide pratiquée par le Pakistan en matière de lutte contre la radicalisation et sur son incapacité, depuis plusieurs décennies, à relever efficacement ce défi. Malgré les actions militaires entreprises depuis 2014 pour faire refluer la marée du terrorisme, certaines zones critiques demandent effectivement la mise en œuvre de solutions civiles incluant la réforme des programmes scolaires, la mise en place de programmes de déradicalisation, une meilleure communication gouvernementale, une réforme des forces de l’ordre et une réévaluation du cadre législatif et des moyens de le faire respecter. Ces différentes mesures sont toujours en chantier au Pakistan, comme dans beaucoup de pays concernés par la montée de la radicalisation. Cette communication présente donc le point de vue d’un Pakistanais sur ces enjeux, avec l’ambition d’éclairer un lectorat international à la recherche de solutions pour contrer cette menace.

Quand un pays est-il véritablement en guerre ?

Justifier la guerre constitue toujours une opération intellectuelle délicate pour les décideurs politiques, en particulier lorsque le choix d’entrer en guerre est contesté, comme ce fut le cas au Pakistan. Il n’y a pas de méthode prédéterminée pour légitimer une prise d’armes, mais il est généralement bon de commencer par identifier l’ennemi et le mal qu’il est capable de nous faire. Y-a-t-il une chance de pouvoir le réconcilier avec nos valeurs ou doit-on s’attendre à un duel à mort en raison de visions du monde diamétralement opposées ? Répondre à cette question est loin d’être aisé lorsqu’une partie au moins de la population éprouve des sympathies à l’égard des terroristes et de leur cause, et que l’organisation politique du pays, les convictions religieuses et le rapport à la modernité divisent la société. Dans un tel contexte, les chances de parvenir à une légitimation consensuelle de la guerre sont quasi nulles…

Au Pakistan, la décision d’entrer en guerre fut largement déterminée par des facteurs extérieurs. Ce fut une réaction spontanée à la violence, favorisée par des années d’arguties politiques sur ce qu’il convenait de faire face au terrorisme. Nous avons finalement répondu à la violence terroriste par une violence encore plus grande qui nous a nous-mêmes surpris ; nous avons pris conscience que nous étions des tueurs capables de la plus grande férocité. Cela nous a parfois conduit à gonfler la poitrine, à arborer nos décorations, à entonner des chants guerriers rédigés il y a bien longtemps. Notre fureur martiale était le gage du retour de notre grandeur passée, mais au prix de cette arrière-pensée désagréable : la brutalité seule ne suffit pas à déraciner une idéologie.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?

Les historiens ont souligné la confusion idéologique qui règne depuis longtemps au Pakistan, en particulier dans la région particulièrement peuplée et prospère du Penjab, où de nombreux mouvements religieux et sociaux ont pris naissance et où le salafisme s’est également enraciné. Au Pakistan, la figure de l’ennemi varie ainsi considérablement en fonction des convictions religieuses. Il en résulte que de nombreuses personnes ont soutenu le régime taliban dans les années 1990 et continuent de voir en Al-Qaida un mouvement de résistance contre l’impérialisme occidental, là où d’autres sont choquées par les actions de cette organisation.

Lorsque les courants islamistes devinrent majoritaires dans les années 1980, les minorités religieuses du Pakistan ─ qui représentent 8% de ses 200 millions d’habitants ─ commencèrent à faire face à une violence endémique. Les dispositions préjudicielles adoptées contre elles par l’Etat favorisèrent des persécutions menées à tous les niveaux. Dans le même temps, les bailleurs de fonds saoudiens contribuèrent à l’essor de mouvements djihadistes hostiles à la communauté chiite, qui représente un quart de la population pakistanaise. Le terrorisme s’est ainsi développé contre cette minorité, faisant apparaître l’incapacité de l’Etat à assurer sa protection.

Depuis lors, la décision du Pakistan de rejoindre la guerre contre le terrorisme a transformé nos villes en théâtre d’affrontements où se succèdent les attentats-suicides et les explosions de bombes artisanales. Le nombre de civils tués est ainsi passé de 140 en 2003 à 2738 en 2011. Dans le même temps, Al-Qaida s’est replié sur le Pakistan où l’organisation savait pouvoir tirer parti de la présence de nombreux groupes extrémistes installés dans les principales villes et dans l’arrière-pays. Notre pays est alors devenu un incubateur du djihadisme mondial, attirant des combattants venus d’Ouzbékistan, du Moyen-Orient, de Tchétchénie ou encore d’Afghanistan.

L’effondrement afghan, les récits entourant les exactions commises à Abou Ghraib et la propagande extrémiste contribuèrent pour leur part à mobiliser l’opinion pakistanaise contre la guerre que nous menions. Des talk-shows aux cafés, la même question revenait sans cesse : « pour qui nous battons-nous ? ». Les tâtonnements des Etats-Unis en Afghanistan n’aidèrent guère à donner une réponse positive à cette question, pas plus que l’assassinat de civils des régions tribales par des drones américains. La communauté politique pakistanaise était elle-même divisée entre tenants d’une augmentation des moyens militaires engagés et partisans de l’idée que les Talibans étaient en fait « nos frères égarés ».

Dans ce contexte, les groupes extrémistes revendiquaient fièrement leurs attentats, mais ils ne pouvaient être ouvertement condamnés. Les carnages quotidiens perpétrés dans nos rues étaient attribués à des « malfrats non-identifiés » qui se montraient d’autant plus entreprenants que nous nous attachions à garder leur identité secrète. La presse elle-même se taisait car dénoncer ouvertement ces gens contribuait moins à les faire juger, qu’à attirer sur soi des représailles dont nombre de medias, de parlementaires ou d’ONG furent les victimes, et ce jusqu’à aujourd’hui.

Pour dépasser ces clivages, les Talibans furent officiellement approchés en 2014 afin de négocier la paix, mais sans succès. Les militaires lancèrent alors l’opération Zarb-e-Azb, prévue de longue date et soutenue par le pouvoir politique en place. Nous prîmes le long chemin vers la guerre et nous en fûmes transformés, pour le meilleur et pour le pire.

L’opération a permis de faire reculer les terroristes sur de nombreux fronts. L’année dernière, 940 civils seulement furent tués dans des attentats, ce qui représente une baisse significative par rapport aux chiffres de 2012. Mais cette opération a aussi profondément renouvelé la scène politique : les militaires sont aujourd’hui très populaires et la balance des pouvoirs penche en leur faveur ; certaines libertés individuelles ont été rognées et les tribunaux militaires ont remplacé les chambres civiles pour les affaires impliquant des terroristes ; la peine de mort a été rétablie en 2014.

Par le biais de la violence, nous avons ainsi renforcé la sécurité, mais nous n’avons pas détruit les racines de la radicalisation.

Combattre la radicalisation

L’individu radicalisé se distingue fondamentalement par le fait qu’il accepte l’usage de la violence à des fins idéologiques. Il n’y a pas d’échelle qui permette de mesurer la diffusion de cette position parmi les personnes ou les communautés. La plupart du temps, la radicalisation se produit en effet de manière souterraine, jusqu’à ce qu’une explosion de violence la signale à nos yeux. De Paris à Peshawar, elle a ainsi pris racine dans des lieux inattendus.

Quoi qu’il en soit, le recours à la violence est toujours plus facile à anticiper et à résoudre que l’extrémisme non-violent qui constitue le véritable Léviathan auquel nous devons faire face et contre lequel nous sommes particulièrement démunis. Comme on peut le constater au Pakistan et ailleurs, la radicalisation ne se nourrit pas de violence réparatrice, mais de discours d’oppression et de victimisation. Comprendre les fondements de cette rhétorique est aussi essentiel que de partir en guerre. Un individu radicalisé peut effectivement être défait sur le champ de bataille, mais survivre dans l’imagination populaire comme un héros dont la légende ne cesse de se renforcer avec le temps.

Les instruments dont l’Etat dispose pour résoudre le problème du terrorisme, de la radicalisation ou des insurrections ne sont pas nombreux. Au Pakistan, les opérations militaires ont démontré le besoin de changements en matière de gouvernance, de police, de cadre législatif, de programmes scolaires, de programmes de déradicalisation et de communication. Le coût de cette prise de conscience ─ dont les principaux résultats sont ici brièvement énumérés ─ fut élevé, mais elle était inévitable.

Les opérations militaires

Bien que le Pakistan se soit engagé dès 2002 dans la guerre contre le terrorisme, le conflit débuta véritablement en 2004, lorsque l’armée entama ses opérations dans les zones tribales pakistanaises qui jouxtent l’Afghanistan. L’engagement des forces militaires n’a pas cessé depuis, en particulier après 2008 et les succès remportés contre des groupes jihadistes également présents en Afghanistan, en Irak, en Syrie et en Asie centrale. Dans ce conflit, quelques 7000 membres des forces de sécurité ont perdus la vie, environ 50 000 Pakistanais ont été tués et presque cinq millions de personnes ont été déplacées, dont beaucoup vivent encore dans des camps. En 2012, avec 1404 attentats recensés, le Pakistan faisait l’objet de plus d’attaques terroristes que l’Iraq ou l’Afghanistan. Lancée en 2014, l’opération Zarb-e-Azb a néanmoins débouché sur un net recul des forces terroristes et la division par deux de leurs attaques, tombées à 625 en 2015.

Réformer la police

L’explosion de violence connue par le pays en un peu plus d’une décennie a démontré la nécessité d’actions de contre-terrorisme civiles à côté des opérations militaires. Une réforme de grande ampleur a donc été entreprise afin de mettre la police au niveau des enjeux de la lutte contre le terrorisme, de rénover ses installations, d’améliorer les procédures d’enquête et surtout de dépolitiser ses agents, habitués de longue date à agir selon un modèle colonial caractérisé par l’arbitraire, la répression, la corruption et l’incompétence. La multiplication des crimes et des discours radicaux prononcés en toute impunité impliquaient par ailleurs de revoir la justice criminelle aussi bien que de développer de nouvelles technologies de surveillance. Cet effort pour former et équiper la police est actuellement toujours en cours, avec plus ou moins de succès selon les provinces.

Légiférer en période de conflit

Un des plus grands défis posés par la lutte contre le terrorisme et la radicalisation est la définition du cadre juridique délimitant les crimes et les délits. Légiférer en période de conflit pose une question fondamentale : les lois et les règlements doivent-ils être conçus pour répondre aux violations du temps de paix ou pour contribuer à la résolution du conflit lui-même ? Inéluctablement, la balance penche en faveur de la seconde solution, comme en atteste le cas du Pakistan. La loi sur la protection du Pakistan (2014), le 21ème amendement (2015) et l’amendement de la loi sur l’armée pakistanaise (2015) ont été promulgués en sachant que ces modifications constitutionnelles laissaient libre-court aux militaires pour poursuivre les terroristes les plus endurcis. Dans le même temps, la peine de mort fut rétablie et 330 personnes ont été exécutées depuis janvier 2016, toutes convaincues de terrorisme. Cette décision divisa l’opinion pakistanaise, même si chacun est conscient de l’influence exercée par les terroristes endurcis sur leurs codétenus.

Déradicaliser

Aucun pays n’est à même de se targuer de succès quantifiables en matière de déradicalisation, même si les différentes initiatives mises en œuvre montrent qu’il est possible de prendre en charge des individus radicalisés, comme c’est le cas au Pakistan où différents programmes de déradicalisation contribuent à la réinsertion annuelle d’un petit millier de personnes. C’est un travail difficile, fondé sur la conviction que les croyances et la personnalité d’un individu qui a vécu au contact d’une violence inhumaine peuvent néanmoins être modifiés. Malheureusement, la radicalisation progresse cependant plus vite que ces programmes. Dans ce contexte, certaines associations civiles ont bien tenté de favoriser des débats sur l’intolérance et l’extrémisme. Mais ces initiatives ont rencontré bien peu de succès, les points de rencontre entre les mouvements radicaux et modérés étant actuellement nuls.

La réforme des programmes scolaires

La redéfinition des enseignements du primaire, du secondaire et du supérieur constitue une pomme de discorde essentielle entre les conservateurs et les modérés de chaque province. Différente tentatives ont été faites au cours de la dernière décennie, en particulier sous le gouvernement Musharraf, afin de réformer le contenu des manuels défini dans les années 1980 sous le régime du général Zia. A l’époque, le point de vue adopté était celui de la promotion du djihad et d’un ultranationalisme associé à la dénonciation de la politique indienne. L’Etat s’efforçait alors de contrôler étroitement les enseignements scolaires. Aujourd’hui, les positions du régime ont certes changé, mais la réforme des programmes se heurte à l’opposition des milieux conservateurs.

La communication

A un moment où l’opinion pakistanaise se divise sur le rôle de l’Etat, ce denier se montre particulièrement en retrait sur le plan de la communication. Il a laissé le soin aux chaînes de télévisions d’organiser les débats sur l’ensemble des sujets allant de la foi à la politique étrangère. A la recherche du meilleur taux d’audience, les médias privés ont cependant pour principale préoccupation de répondre aux attentes du public, même lorsque cela contribue à encourager l’extrémisme ou les pratiques violentes. Les autorités de régulation se sont depuis longtemps efforcées de renforcer l’encadrement éthique de leurs programmes, mais elles ne disposent pas des moyens de leur ambition.

Les medias imprimés et électroniques restent pour leur part sous la coupe de l’Etat, qui a longtemps eu l’habitude de contrôler la diffusion de l’information, en particulier lors des périodes de dictature militaire. Mais les réseaux sociaux offrent un large espace d’expression aux individus radicalisés. Comme les autres pays, le Pakistan s’efforce ainsi de développer les solutions pour contrôler les discours de haine véhiculés sur internet. D’une certaine manière, le rôle de l’Etat comme arbitre de l’opinion s’est néanmoins dissout au profit d’idéologies qui ont réussi à le contourner avec plus ou moins de succès.

Des solutions pour des sociétés moins radicalisées

A part son action militaire contre le terrorisme, les réponses apportées par le Pakistan à la radicalisation furent au mieux expérimentales. La capacité d’une société à prendre en charge la déradicalisation dépend pourtant de son aptitude à dépasser la simple logique de la boîte à outil. Voici quelques pistes qu’il me semble à cet égard utile d’explorer, cette liste fondée sur mes recherches personnelles étant bien sûr non exhaustive.

Mettre fin à l’exclusion sociale

Dans de nombreuses régions du monde, la citoyenneté ne signifie guère plus qu’avoir accès à une carte de rationnement et à une route asphaltée. Ce relatif retrait de l’Etat favorise l’action d’individus et de groupes qui s’efforcent de détourner le monopole de la violence légitime à leur profit. Les études anthropologiques sur les territoires faiblement gouvernés ont ainsi montré comment ces espaces se transforment en « confins mondialisés » où se développe une identité insurrectionnelle appuyée sur un développement socio-économique et un encadrement institutionnel insuffisants. C’est particulièrement vrai pour les régions du Sud où la violence est une réponse à la marginalisation économique et politique, même s’il ne faut pas y voir la seule raison.

Dans le même temps, l’essor des grandes métropoles s’accompagne de la formation de ceintures de bidonvilles où la question de la survie l’emporte sur celle des devoirs civiques. L’espace urbain se révèle ainsi parfois plus dur pour les pauvres que la campagne qu’ils ont quittée. Et même s’ils parviennent finalement à s’insérer dans la classe moyenne, cette évolution ne s’effectue pas sans heurts ni sans la perte de leurs anciens réseaux d’entraide. Les villes constituent donc aussi des lieux d’exclusion.

Cette double situation nous invite à réfléchir à de nouveaux modèles de participation civique qui permettent de renforcer les droits individuels, comme la mise en place de plateformes d’échange entre citoyens, ce qui favoriserait l’identification des centres de gravités de la pensée radicale. Certains gouvernements préfèreront une logique de surveillance, mais cette approche ne peut remplacer un travail de discussion avec les citoyens à travers des instruments de dialogue encadrés par l’Etat, les institutions communautaires et les autorités locales. C’est le seul moyen de mettre fin à l’exclusion sociale.

Limiter le contrôle étatique

L’avènement de réseaux terroristes mondialisés qui utilisent les nouvelles technologies pour répandre la peur a conduit à la fois au renforcement des frontières et au développement de la cybersécurité. La surveillance du net est devenue centrale à cet égard, les terroristes s’en servant aussi bien pour s’organiser que pour recruter et diffuser leur message. La réponse des gouvernements jusqu’à présent a été de fermer les sites incriminés. Mais cela a entraîné d’importants débats sur la liberté d’expression à chaque fois que les citoyens eurent l’impression que l’Etat outrepassait ses droits ou réagissait de façon démesurée.

De fait, l’Etat postmoderne est confronté à la difficile conciliation de la répression du terrorisme et de la sauvegarde des droits fondamentaux. Les nations en guerre suspendent tout ou partie des libertés individuelles. Mais la lutte contre le terrorisme ne permet jamais de déclarer qu’un Etat est véritablement en guerre. Dans ce contexte, quelles lois doivent être abrogées ? Aucun pays n’a clairement répondu à cette question, la plupart s’étant contenté de soumettre les droits fondamentaux à la logique de l’intérêt national.

Il est indispensable de mettre fin à ce renforcement excessif des Etats, car il sape les fondements des droits constitutionnels.

Proposer un contre-discours

Quel que soit le régime, il est désormais essentiel que de puissants contre-discours soient forgés et diffusés à travers les medias afin de remporter la bataille des idées. La radicalisation l’emporte là où les discours modérés font défaut ou quand ils ne parviennent pas à proposer des réponses sur des sujets sensibles. Un tel enjeu pose la question de l’intervention de l’Etat dans le débat public. Alors que les parlements et les forums sont normalement investis de cette mission ─ discuter des questions d’intérêt public ─, il devient de plus en plus crucial pour l’Etat de prendre position, en particulier lorsqu’il envisage de mener une guerre, que ce soit dans ou hors de ses frontières.

Supprimer les sites web qui alimentent la pensée radicale constitue une première étape en la matière, mais il faut aller plus loin. L’Etat doit-il se doter d’une voix ? A qui doit-il parler et quels instruments doit-il mobiliser pour diffuser son message ? Les réponses à ces questions pourraient bien modifier la nature de la construction étatique. Pour les hommes politiques, le but recherché est cependant la lutte contre la radicalisation et la diffusion de contre-discours informés qui mettent fin à la confusion idéologique à une époque où la religion et l’appartenance ethnique dominent les conversations de rue dans un monde globalisé.